Saturday, April 28, 2012

AMOUR DE LA TERRE NATALE par JOE N. PIERRE

EN GUISE D’INTRODUCTION
L’un des arguments des constituants et des adhérents de sociétés secrètes c’est d’éviter d’exposer des vérités qui risquent de blesser des gens qui ne sont pas suffisamment préparés pour les absorber. Beaucoup de visionnaires tels que Socrate, Jésus, Galileo, Martin Luther King, etc. sont sacrifiés pour avoir essayé d’exposer ce qu ’ils croyaient être des vérités. Le mensonge, au début, peut ne pas être aussi tranchant que la vérité, mais, à la longue, ses blessures pourraient être mortelles. Je suis désolé si je vous offense en essayant de dire ce que ma conscience perçoit comme vrai.

L’AMOUR DE LA TERRE NATALE
Aimer son pays est une chose. Votre serviteur aime notre Haïti comme tout le monde. Mais vouloir se sacrifier pour freiner et renverser la négativité dégringolant de la nation est une autre chose. Les observateurs qui osent dire la vérité à ce sujet risquent d’être jugés de « négatifs ». Beaucoup de patriotes blâment ces observateurs avisés au lieu d’admettre que c’est plutôt le pays (avec surtout la mentalité de ses vagues de dirigeants et des soi-disant coopérateurs internationaux) qui est négatif. A cause de cette confusion, il est difficile pour un professionnel honnête d’accompagner des philanthropes qui sont aveuglés et assourdis par leurs émotions qui les empêchent d’accepter les réalités haïtiennes.

QUI SONT CEUX QUI VEULENT RETOURNER A LA TERRE NATALE?
De nombreux membres de la diaspora haïtienne (que l’on prétend être un onzième département ???) rêvent de retourner à la terre natale à un titre ou un autre. A l’analyse, on pourrait les classer en plusieurs groupes, mais pour plus de simplification, nous considérons sept groupes principaux :
 Des entrepreneurs (individus) qui ont suffisamment de moyens pour investir dans les affaires privées (production agricole ou autre)
 Des propriétaires ou copropriétaires d’entreprises (ou membres de corporations) ayant suffisamment de fonds ou la capacité d’emprunter aisément des banques
 Des gens bien placés pour proposer des projets qui seront assurément financés par une ou plusieurs organisations internationales et/ou philanthropiques (comme celles d’Oprah ou de Bill Gate) et approuvés par le gouvernement haïtien
 Des techniciens et professionnels qui cherchent un emploi (à un niveau plus ou moins élevé et pour un salaire défini dans une institution publique ou privée, nationale ou internationale)
 Des philanthropes débrouillards qui espèrent relever des fonds qui pourront leur être donnés par des membres de communautés (des gens ordinaires) plus ou moins intéressés au destin d’Haïti. Cette tache est difficile. Elle n’est pas le boulot de tout le monde. Souhaitons bonne chance à ceux qui choisissent cette voie. Félicitons ceux qui réussissent.
 Des philanthropes qui veulent contribuer aux projets de développement communautaire (en tant que volontaires ou pour un émolument de fonctionnement ou de subsistance). Appelons les « Héros !!! »
 Des opportunistes indécis ayant des idées flous ou indéfinies que l’on peut classer quelque part entre les groupes précédents.

Les quatre premières catégories sont assez bien définies. Il n’est pas nécessaire de prendre du temps pour éterniser à leur sujet. Appelons-les des « rationnels ». Si parmi ces quatre premières catégories, il y a une personne qui s’intéresse à l’expertise de votre serviteur et soit capable de le prendre à bord, il sera content de considérer cette offre et de poster son CV à l’intéressé.

CONCERNANT CEUX QUI APPARTIENNENT AUX TROIS DERNIERES CATEGORIES
Si le compatriote qui veut retourner à la terre natale a des tendances qui ne correspondent pas aux descriptions de ceux des quatre premiers groupes, si, en d’autres termes le compatriote est un philanthrope qui s’intéresse inconditionnellement à l’établissement des programmes de développement communautaire en Haïti, si le temps le permet, votre serviteur fera ce qu’il peut pour l’aider à comprendre les réalités et les embuches de ses rêves, et c’est surtout pour ces bons Samaritains que votre serviteur écrit ces lignes dans les limites de son expertise en éducation et agriculture et sur la base de ses connaissances et expériences de l’environnement et des communautés de notre pays. En maintes occasions, ce sont souvent des éléments de ces trois derniers groupes qui invitent votre serviteur à participer à des conférences concernant ce qu’il faut faire « pour sauver Haïti ». Si d’un coté, le serviteur leur complimente pour leur optimisme et leur courage et les encourage à continuer, de l’autre cote, il éprouve un peu de malaise à collaborer avec eux parce qu’il sent que ces compatriotes sont souvent des naïfs qui ne connaissent pas assez bien les problèmes relatifs aux réalités environnementales, sociales, politiques et économiques de ce pays dans lequel ils veulent s’aventurer. Leur ignorance est saillante au point que n’importe quel vieux loup de terrain haïtien n’aurait pas besoin d’aller par quatre chemins pour prédire leur échec bien avant qu’ils franchissent le seuil de leur première activité ou expérience. Certainement, personne n’a le droit ni de condamner le pays, ni dire à un élément de la culture haïtienne qu’il/elle ne peut rien faire pour ressusciter Haïti. Les Haïtiens ne doivent pas être des désespérés qui abandonnent leur pays. Mais quand vous avez à faire face à des problèmes aussi sérieux que ceux d’Haïti, vous n’allez pouvoir réaliser aucune solution tangible si, en premier lieu, trop d’émotions incontrôlées vous empêchent d’être un réaliste et si, en second lieu, vous êtes incapable de définir ou de comprendre une définition raisonnable ou logique de la majorité de ces problèmes chaotiques et cruciaux d’Haïti.

CONCERNANT L’EDUCATION ET L’AGRICULTURE
Tous les leviers de développement sont d’importance égale en Haïti. En d’autres termes, chaque domaine (sécurité, justice, éducation, santé, environnement, agriculture, infrastructure, etc.) est vital ou conditionne le succès des programmes de développement (intégré) dans le pays. Cependant, n’étant pas un « spécialiste dans toutes les matières de développement », dans ce document, votre serviteur propose de projeter un peu de lumière sur les deux domaines qu’il connaisse mieux, en l’occurrence l’éducation et l’agriculture. Le serviteur n’a pas l’intention d’être un plaidoyer contre ou en faveur de l’une ou l’autre option. Il veut simplement utiliser ses connaissances et expériences dans ces deux domaines avec l’espoir que le lecteur, mieux éclairé, saura faire un meilleur choix et éviter certains des dérives qui avaient conduit beaucoup de nos prédécesseurs à l’échec.

CONCERNANT L’EDUCATION
Si investir clairement dans une entreprise privée (agriculture ou autre) ou trouver carrément un emploi en Haïti sont secondaires pour vous, si en d’autres termes vous êtes déterminé à retourner en Haïti coûte que coûte comme un (e) philanthrope et un (e) volontaire, (si vous êtes déterminé (e) à vous sacrifier si c’est nécessaire pour l’avancement des programmes de récupération de l’environnement et de l’amélioration quantitative et qualitative de la production (agricole ou/et autre), le serviteur n’a nullement l’intention de dévaloriser votre élan de magnanimité, mais il vous conseille de considérer l’éducation en général qui est à la base de tous les domaines publiques de développement socioéconomique. Dans ce présent texte, le serviteur propose que vous vous donniez une autre vision de l’éducation. Haïti a maintenant besoin de l’éducation dans tous ses aspects: académique, théorique, pratique, fonctionnelle, etc. Au point de vue académique et théorique, il faut aller au-delà de l’alphabétisation de tous les membres des communautés, petits, grands et handicapés. Il faut leur enseigner des notions fondamentales et avancées des arts langagiers, des sciences, des mathématiques, de la philosophie, de l’histoire, du civisme, de l’humanisation et de la civilisation, etc. Tout en maintenant et améliorant les activités académiques et théoriques, il faut passer aux étapes expérimentales et pratiques des sciences et des technologies (recherche, éducation pratique et fonctionnelle). Il faut vulgariser la connaissance (éducation informelle) dans tous les domaines et par tous les moyens. La majorité des Haïtiens ne connaissent pas suffisamment leur environnement. Le premier but de l’éducation c’est d’apprendre aux individus et aux membres des communautés à mieux connaitre des éléments fondamentaux de leur environnement à tous les niveaux (local, départemental, national et régional). Les élèves/étudiants et leurs professeurs (écoles fondamentales, écoles vocationnelles et universités) doivent s’adonner à la recherche dans leur localité respective avant de regarder au-delà des limites de cette localité (types de sols, quantité et qualité des eaux, divers types de microorganismes, espèces végétales et animales, espèces domestiquées et non-domestiquées, rendements agricoles, profits ou déficits dans les exploitations agricoles, espèces vivantes utiles et nuisibles, migrations, caractéristiques de la population humaine, emplois, services, maladies, divertissement, etc., etc., etc.) L’éducation fonctionnelle peut être envisagée comme celle que les Américains appellent « on-the-job-learning » ou « learning by doing or making ». Par exemple, l’instructeur peut enseigner des notions fondamentales de physique et de chimie au jardinier en expliquant à ce dernier comment l’énergie de la lumière solaire captée par la chlorophylle dans la plante, l’eau et les minéraux du sol, et le dioxyde de carbone de l’air combinent pour produire le glucose et les autres ingrédients dont les animaux et les hommes ont besoin pour vivre. L’agriculture théorique et pratique et l’économie devraient être enseignées dans toutes les écoles du pays (et à tous les niveaux). En apprenant leur botanique, les enfants peuvent produire des légumes (tomate, aubergine, laitue, chou) et des fleurs dans la serre (laboratoire) de leur école. La consommation des fruits et des légumes pendant toute l’année conditionne la sante humaine

DEUX GRANDS GROUPES D’EDUCATEURS
En général, chaque individu est en même temps un éducateur et un apprenant. Nous n’allons pas élaborer sur cet aspect qu’à mon avis tout le monde peut admettre. A un autre niveau, l’on peut distinguer deux grands groupes d’éducateurs : Les enseignants professionnels et les instructeurs d’occasion. Les éducateurs professionnels sont ceux qui avaient pris des cours sur l’éducation dans des universités. Les enseignants professionnels avancés détiennent une maitrise (Master) ou un doctorat en éducation. La communauté des retraités en Haïti et dans la diaspora contient beaucoup d’enseignants professionnels licenciées qui pourront aider dans des programmes de formation et de recyclage des éducateurs d’occasion. Ces derniers, pour être plus efficients, nécessitent des séminaires dans lesquels des sciences, des méthodes d’enseignement, de développement de curricula, des philosophies de l’éducation, de la psychologie, de la sociologie, des techniques de la motivation et de la communication, etc. sont enseignées. Dans ce document, nous définissons un éducateur d’occasion comme un professionnel ou un technicien qui peut transférer une partie de ses connaissances et expériences à d’autres personnes. Des techniciens tels que des ingénieurs, informaticiens, agronomes, médecins, économistes, comptables, sociologues, infirmières, politiciens, mécaniciens, charpentiers, opérateurs d’engins, soudeurs, électriciens, plombiers, électroniciens, entraineurs sportifs, etc. pourront être des éducateurs d’occasion. Un bon éducateur professionnel vous expliquera que « être un expert dans une profession ou un métier considéré est une chose, mais être un bon éducateur qui puisse transférer correctement cette connaissance et ses habiletés à une autre personne est une autre chose. » Les éducateurs professionnels pourront alors organiser des cours ou des séminaires afin d’aider les éducateurs d’occasion à mieux atteindre les objectifs de leurs programmes. L’utilisation des informaticiens doivent être reconsidérée. Des milliers de « computers démodés » que les milieux avancés (USA, France, Canada, etc.) mettent quotidiennement de coté sont des machines puissantes qui peuvent aider à générer des miracles dans l’éducation.

UNE REDEFINITION DE L’ « ECOLE VOCATIONNELLE » POUR LES HAÏTIENS
En Haïti, on dit « école professionnelle » en lieu et place de ces institutions éducatives que les américains, de leur coté, appellent « école vocationnelle » (i. e, les écoles professionnelles de J. B. Damien ou d’Elie Dubois). Les dirigeants de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire avaient organisé une « Ecole Moyenne d’Agriculture » tandis que ceux du Ministère de l’Agriculture, de leur coté, organisaient des « fermes écoles » ou des « écoles vocationnelles agricoles ». Dans ce texte, nous retenons le concept « école vocationnelle » qui désigne un établissement où l’on enseigne un (ou plusieurs) métier/s et/ou art/s (mécanique, soudure, électricité, plomberie, maçonnerie, charpenterie, ébénisterie, couture, broderie, cosmétique, cuisine, musique, peinture, sculpture, jardinage, etc.) Parce que les écoles vocationnelles en Haïti (et ailleurs) sont souvent fréquentées par des jeunes (garçons et filles) qui manquent des moyens ou de l’aptitude pour compléter les programmes de l’enseignement secondaire, l’on a tendance à inférioriser ces écoles ou à les considérer comme des établissements d’enseignement dont le but, en général, consiste à récupérer des recalés ou rejets sociaux (les enfants des rues et ceux dont les parents n’ont pas de moyens pour payer des écoles sophistiquées). Nous devons, à tout prix, combattre cette perception jusqu’à son anéantissement. Tous les établissements d’enseignement à tous les niveaux (primaire, secondaire et universitaire) devraient être des centres d’enseignement vocationnel. Un enfant qui a un don pour un métier ou une profession devrait avoir des opportunités de mettre la main à la pâte dans les activités manuelles qui sont à la base de cette profession (ou qui en sont associées). Un futur médecin peut apprendre les détails d’un microscope, ou d’un stéthoscope. Il peut apprendre à opérer et même réparer les machines qui sont utilisées dans les laboratoires modernes. Il peut s’adonner à l’analyse des produits (sang, urine, sels, aliments, médicaments, etc.). Un futur ingénieur peut pratiquer les ouailles de la physique pratique, apprendre à poser des briques, opérer des outils simples et des outils électriques (scies, perforateurs…) Il peut apprendre à construire des moteurs et réparer ou opérer diverses machines. Un futur agronome peut apprendre à travailler avec des outils de protection de sols des pentes, réparer et/ou opérer les machines utilisées dans l’agriculture moderne, pratiquer des méthodes d’amélioration des plantes, (préparation de sol, greffage, bouturage, fertilisation, luttes contre les pestes, etc.), d’irrigation et de drainage, de transformation des produits agricoles (production d’alcool, homogénéisation du lait, production du fromage, utilisation des oléagineux dans la production de carburants, etc.) Je me souviens encore de ce magouilleur (arrogant directeur de cabinet du ministre de l’agriculture) qui pensait que (dans un programme de vulgarisation de l’éducation agricole) les « cours d’économie domestique ou des arts ménagers » blesseraient le sentiment ou la perception des jeunes Haïtiennes à cause des mots « domestique !» et « ménagère !». L’école vocationnelle pourra être utile même aux futurs leaders d’église. Un bon prédicateur doit enseigner aux fidèles de son église les éléments qui conditionnent une meilleure vie sur cette planète (ce qui exige des connaissances théoriques et pratiques de son environnement immédiat).
PUREMENT ET SIMPLEMENT: AGRICULTURE ET REFORESTATION
Parce qu’au su et au vu de tous, l’environnement du pays a depuis belle lurette dépassé son point le plus bas, parce que l’agriculture haïtienne n’arrive pas à nourrir 40% de la population du pays, tous les philanthropes qui éprouvent de la pitié pour leur pays voudraient foncer tête baissée et yeux fermés dans l’agriculture et le reboisement. Votre volonté de déchiffonner ou de ressusciter l’agriculture de votre pays fait partir de vos responsabilités, devoirs, droits, privilèges, etc. Personne n’a le droit de vous en dissuader ! Mais avant de vous aventurer dans l’agriculture et la reforestation, votre serviteur vous conseille de vous arrêter un instant !!!! Arrêtez-vous s.v.p. !!! Réfléchissez un peu !!! Partir des années 1920 (date de l’établissement de la première Ecole Centrale d’Agriculture d’Haïti) pour arriver à nos jours, Haïti a formé des centaines d’agro professionnels (ingénieurs-agronomes dotés de toutes sortes de spécialités). Seraient-ils donc tous des oisifs et des stupides qui ont laissé l’environnement et l’agriculture du pays se détériorer ? Des intellectuels, visionnaires et activistes de renom comme Schiller Nicolas, Anthony Lespès, Emile Roumer, Emile Saint-Lot, Louis Déjoie, Georges Cadet, Jean Dominique, Edouard Francisque, Jean André Victor, François Severin, Michel William et beaucoup d’autres sont formés ou recyclés à Damien. Mais comme votre serviteur l’avait déjà mentionné, si vous êtes déterminé (e) à initier (ou devenir un leader dans) un ou des projets de développement communautaire rural et agricole, vous voudrez (je présume) que vos projets réussissent et dépassent la durée de votre vie. Votre serviteur entend vous assister en vous rappelant qu’il y a des chiffres et des faits que vous devez d’abord connaitre parce qu’ils pourront vous aider à prendre des décisions salutaires pour vous-même et les vôtres. Sachez en tout premier lieu que LES PLANS ET OBJECTIFS DE TOUS VOS PROJETS DOIVENT ETRE CLAIRS COMME CRYSTAL. Dans les limites de ce texte, le serviteur ne peut pas vous donner tous les chiffres qui pourront vous être nécessaires. Pour plus d’édification, jetez un coup d’œil sur les deux textes (AGRICULTURE DE PAUVRETE ET REFORME AGRAIRE) qui vous seront attachés si vous avez du temps ou si vous ne les avez pas encore lus. Les parents du serviteur étaient des cultivateurs, mais personne ne les avaient jamais appelés « petits paysans », un terme aussi péjoratif que celui de « l’agriculture de grappillage » (Paul Moral) ou de subsistance (les jongleurs de la politicaillerie). Alors, si vous voulez aider à transformer le « petit paysan haïtien » en entrepreneur agricole, et changer « l’agriculture de grappillage et de subsistance haïtienne» en agriculture intensive et industrielle, vous devez au moins connaitre les chiffres approximatifs qui suivent.

LES CHIFFRES ET LES FAITS QUE LE BON SAMARITAIN DOIT CONNAITRE AVANT DE S’AVENTURER BENEVOLEMENT DANS L’AGRICULTURE ET LA REFORESTATION EN HAITI
Haïti a une superficie totale d’environ 2 millions 725 mille hectares. Selon la CIA World Fact Book, la superficie cultivable est estimée à environ 400,000 hectares. Le gouvernement haïtien, de son coté, a estimé la superficie agricole à environ 700, 000 hectares. Admettons, selon les données du gouvernement, que le pays a environ 700,000 hectares de terres cultivées ou cultivables. Presque tout le monde est d’accord que le pays contient aussi plus de 3 millions individus (ou environ 700,000 familles si l’on accepte une moyenne de 5 personnes par famille) dans le milieu agricole. Avec ces chiffres à l’esprit, l’on dirait que le pays dispose d’un hectare par famille. Mais la situation est en réalité chaotique parce que, il y a des familles qui possèdent plus qu’un hectare de terre et même des dizaines d’hectares. Ce qui signifie que la majorité des familles essaient de survivre sur des parcelles de moins d’un tiers d’hectare. Haïti est passé maitresse dans le morcellement foncier à outrance. Toujours en accord avec les discours officiels, de la totalité des 700, 000 hectares, 400,000 sont localisées dans les pentes en état d’érosion plus ou moins avancée et ces terres sont situées pour la plupart dans des zones arides (à faible pluviosité). Les 300,000 hectares restants sont des terrains plats (plaines, plateaux, fonds de vallées). Environ 80,000 hectares ou 26% de ces terres plates sont irriguées, mais cette portion irriguée n’est pas utilisée de façon intensive. (Dans un système d’agriculture intensive, les activités sont planifiées de sorte que les agriculteurs aient régulièrement du boulot à accomplir du premier janvier au trente-et-un décembre). Sous la présidence de René Préval, le premier ministre Jacques Edouard Alexis avait échoué dans ses démarches qui visaient à faire passer le salaire quotidien du travailleur de factorerie à Port-au-Prince de 75 gourdes (moins de US$2.00) à 150 gourdes (US$3.75). En toute équité, quel serait alors le salaire des campagnards? Selon les données publiées par le gouvernement, plus de 75% de la population rurale vit en dessous du seuil de pauvreté (moins d’US$1.00/jour). Dans un système agricole tel que le nôtre, sortant de la diaspora, qui allez-vous aider et où allez-vous transplanter les plantules de vos pépinières? Les ONG de la reforestation d’Haïti ne sont bonnes qu’à l’établissement des pépinières !!! (elles sont des Pyrams et des Polidors de Perlin tèt… epi après les pépinières… aprè : ANYEN !!!) Quelles espèces d’arbres allez-vous planter? Des espèces fruitières (manguiers, avocatiers, corossoliers, arbres-à-pain, agrumes, etc.) ou des espèces précieuses (chêne, acajou, cèdre, etc.)? Notez que les espèces précieuses prennent beaucoup de temps (plus que 20 années) avant de donner un peu d’argent à leurs propriétaires. Des espèces forestières comme les conifères? Espérez-vous revenir avec les caféiers et les cacaoyers? Allez-vous planter des espèces comme les acacias ou les gaïacs pour faire du charbon ou les nîmes pour décorer ou ombrager les boulevards et les places publiques? N’oubliez pas que la majorité des cultures vivrières comme le pois, le mais, le riz, le sorgho et la patate etc. sont des plantes héliophiles (elles ne vivent et ne produisent pas bien à l’ombre). C’est l’une des raisons pour les quelles les agriculteurs ébranchent ou coupent des arbres. Espérez-vous établir des pâturages et redéfinir le système d’élevage archaïque d’Haïti? Voulez-vous essayer les bambous pour l’exportation des meubles et d’autres produits artisanaux ou industriels? Dans le domaine légal, depuis belle lurette, les autorités haïtiennes ont perdu le contrôle des soi-disant titres de propriétés. Les misérables du bureau du cadastre ont perdu le cap. Les faux papier-terres pullulent partout, et à ce sujet, ce n’est pas seulement le sang de l’empereur qui avait coulé. Jusqu’à présent, les descendants des descendants des grands dons continuent de temps à autre à déguerpir les occupants des terres des ancêtres de leurs ancêtres. Les machettes d’hier et des armes à feu d’aujourd’hui font souvent partie du menu. L’agronome Jean André Victor l’avait décrit en peu de mots (des terres sans papier-terres et des papier-terres sans terre). Depuis sous Duvalier, l’on a commencé à parler de reforme agraire. Les Constituants de 1987 avaient établi des bases pour la formation d’un « Institut National de la Reforme Agraire » ou « INARA », mais jusqu’à présent il n’y a eu que des mascarades de reforme agraire.

UNE AGRICULTURE DE SUBSISTANCE ET DEFICITAIRE… MAIS…
Allez demander aux agronomes et aux économistes de vous dire le nombre d’agriculteurs haïtiens qui ont un revenu ou un salaire décent dans la pure pratique de l’agriculture. La majorité ne pourra pas vous donner une réponse fiable. Si en Haïti, la plupart des agronomes possèdent une maison de quatre chambres à coucher et de quatre toilettes et plusieurs voitures, ce ne sont pas les bénéfices de l’agriculture qui leur ont donné leur argent. Ils reçoivent leur salaire des institutions de l’état, des projets financés par des organismes internationaux, et des ONG. L’agriculture haïtienne de subsistance n’est pas rentable. Le rendement moyen du riz est d’une ou de deux tonnes à l’hectare (comparé à 20 tonnes/ha en moyenne au Vietnam). A l’approche de chaque saison, le MARNDR s’empresse de distribuer des semences et quelques cuillérées de fertilisants aux « petits paysans ». On a rapporté que plusieurs « petits paysans » mangent les semences qui leur sont distribuées même si ces semences sont au préalable traitées aux produits nocifs. La majorité des agriculteurs haïtiens vivotent dans leur propre univers d’ignorance et ne sont pas considérés comme des entrepreneurs capables de bénéficier des prêts considérables et de se donner un revenu décent. Ils sont simplement utilisés comme des objets de rédactions des plans de développement bidons et de négociations pour obtenir des fonds de développement qui augmenteront la richesse des experts nationaux et étrangers. Ce ne sont pas les Dominicains, eux-mêmes, qui sont venus recruter leurs esclaves en Haïti. Une partie considérable de cette « traite » est induite et/ou organisée par des Haïtiens. Il y a dans le système agricole haïtien des chefs ou « des parrains » qui sont suffisamment riches pour envoyer la progéniture de leurs concubines dans des universités d’outre mer les plus chères, mais ces sangsues de l’agriculture de subsistance d’Haïti ne tirent pas leur richesse des profits de l’agriculture. Ils se sont enrichis dans la corruption en détournant les fonds de l’état ou en négociant avec les vautours des agences internationales telles que l’USAID, l’ACDI, L’UE, la FAO, etc. Il y a des observateurs qui croient que ce sont ces vagues de mafiosos qui avaient systématiquement éclaboussé la Ferme Expérimentale de Damien au profit de leurs ONG ou de leurs firmes qui sont dirigés par des managers de doublure. Peut-être qu’à son retour sur la planète, le Galiléen qui prit une roquette pour l’exil, fera un petit tour chez nous pour mettre un terme à l’impunité et châtier ces cyniques. Répétons-le: l’agriculture haïtienne est déficitaire et continue à se détériorer (cote à cote avec l’environnement) en dépit de ces soi-disant plans de développement que les magouilleurs avaient vendus très chers et qui sont exposés sur les sites de l’état et des agences internationales. Haïti continue à être une jungle où les pratiques de chien mangé chien ou des échanges mutuels de coups de poignards au dos font rage. Les corrupteurs et les corrompus continuent à marquer des points grâce à cette mentalité de prudence et de poltronnerie qui est à la base de l’échec du système de production agricole du pays. Quand votre serviteur était un étudiant en troisième année de la FAMV en 1970, le professeur de l’Agriculture, l’agronome Roland Latortue se plaignait qu’Haïti ne pouvait pas satisfaire son quota de 400 mille sacs de café (60 kilos/sac) sur le marché international. Haïti exportait alors 300 mille sacs. Sur chaque 100 dollars de café vendu à l’époque, les spéculateurs ou exportateurs (Brandt, Madsen, et autres) recevaient plus que 50 dollars, le gouvernement prenait plus que 30 dollars. Il restait alors moins que 20 dollars pour les caféiculteurs. Aujourd’hui, en 2012, Haïti est en train d’exporter moins que 25 mille sacs de café. L’on peut tracer à peu près la même image pour les autres cultures comme le riz ou la canne-à-sucre.
L’une des causes de cet empirement de la situation, surtout dans l’agriculture, est que la majorité des dirigeants ne sont pas nommés sur la base de leur capacité intellectuelle et professionnelle et leur moralité. Ce sont surtout ceux-là qui se sont fait un nom en s’enrichissant à outrance dans la corruption impunie qui obtiennent les positions les plus élevées et les plus lucratives. Parce que ceux qui ont un peu de capacité professionnelle sont obligés de prostituer ce qui leur reste de moral pour survivre, ils ont peur de parler. Alors, messieurs et dames de la diaspora ou de soi-disant onzième département, si vous voulez retourner à la terre natale pour lutter dans la moralité contre l’immoralité, votre serviteur vous exhorte à vous mettre en selle, mais sachez que la victoire ne sera pas facile, surtout dans le domaine de la protection de l’environnement et de l’amélioration de l’agriculture.


AVANT D’ABORDER L’AVION DU RETOUR EN BON SAMARITAIN VOLONTAIRE OU SEMI-VOLONTAIRE, ESPEREZ LES BONNES CHOSES, MAIS IL EST AUSSI POSSIBLE QUE:
 Vous ayez à dépenser beaucoup d’énergie et même plus d’argent que vous en avez.
 Vous soyez obligé (e) de travailler pour un salaire qui ne satisfait pas votre style de vie habituelle et vos responsabilités à l’intérieur et en dehors du pays.
 Vous n’arriviez pas à trouver des partenaires qui comprennent votre enthousiasme au point de coopérer avec vous ou soutenir vos efforts.
 Des bailleurs de fonds méprisent vos propositions de projet et vous laissent flétrir jusqu'à trépasser sur le pavée.
 Vous risquiez être un objet de moquerie ou de raillerie de la part des camarades (amis d’enfance ou d’adolescence, condisciples, etc.) que vous croyiez pourtant avoir suffisamment de capacité pour vous aider à financer vos projets.
 Trouviez des invités qui participeront chaudement aux réunions initiales et vous fuiront au lieu de s’engager avec vous sur le chemin que vous aimeriez suivre.
 Soyez bâillonné/e et forcé/e d’avaler vos informations scientifiques et vos belles idées « dangereuses ».
 Vous soyez déçu/e en voyant vos collaborateurs vous abandonner, vous trahir, et même vous poignarder au dos.

EN GUISE DE CONCLUSION
Concluons en permettant que je rende un hommage à mon cousin et ami Greffin Ambroise, qui vivait à Stamford, Connecticut, et qui allait mourir complètement consumé dans un accident de véhicule sur la route Port-au-Prince-Cornillon (Grands-Bois). Il se rendait à Cornillon pour aider les pauvres de son village natal. Je vous exhorte à retenir l’une des leçons qu’il m’enseigna: « Avant de s’engager dans une entreprise, surtout dans un pays comme le nôtre, il est bon d’avoir deux plans: L’un pour la victoire et l’autre pour la défaite. »

Joe N Pierre, Ph.D.
Agronome & Educateur
joenpierre@hotmail.com
774-826-7740

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